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Pourquoi dessiner ? La question peu sembler un peu bizarre : comme tout hobby ou passion, on le fait parce qu’on aime ça. C’est déjà une très bonne raison qui est bien suffisante.

Mais le dessin cache en plus quelques atouts plutôt méconnus qui peuvent vous ouvrir de nouvelles perspectives.

Si vous avez déjà le goût du dessin ce ne sera que du bonus et sinon, peut-être que vous changerez un peu de regard sur cette activité 😉

Voyons dans cette article 3 avantages du dessin auxquelles vous n’avez peut-être pas encore pensé. C’est parti ! 

1.1 Ce que dit la recherche

Saviez-vous que dessiner est une des meilleures façons de mémoriser quelque chose ?  C’est ce qu’ont montré des chercheurs dans différentes études récentes 1-4 (vous trouverez un résumé en français d’une de ces études dans cet article) en comparant la mémorisation d’informations selon différentes méthodes dont le dessin. Quel que soit l’âge de la vie, le dessin arrive en tête des méthodes de mémorisation en permettant de mieux “encoder” l’information. Les auteurs l’expliquent entre autre par :  

    • L’effort demandé pour se représenter l’information de manière visuelle, ce qui nécessite de reformuler et de comprendre globalement le sujet ou le concept que l’on a dessiné.
    • Dessiner mobilise le corps ce qui ancre un peu mieux encore l’information.

Pour mieux comprendre l’effet du dessin sur la mémoire, faisons un petit détour par les championnats de mémoire

1.2 Les championnats de mémoire et le dessin

Dans ces concours, les participants s’affrontent dans différentes épreuves chronométrées. Il s’agit de mémoriser des choses plutôt abstraites le plus rapidement possible : une suite de chiffres, des jeux de cartes, des listes de mots aléatoires, …

Comme dans toute compétition, il faut être le meilleur. Ces champions savent donc très bien comment fonctionne la mémoire et comment l’optimiser.
La stratégie principale qu’ils utilisent pour mémoriser efficacement est

  • Donner du sens aux informations 
  • Les visualiser sous formes d’images, 
  • Faire interagir ces images en créant une histoire (pour mieux ancrer l’information), 
  • Solliciter les 5 sens

L’idée est de créer de faux souvenirs qui contiennent l’information que l’on veut retenir. Ces souvenirs doivent être mémorables (faire appel aux 5 sens, raconter une histoire, faire interagir les éléments et être un peu loufoque pour être mémorables) et peuvent donner des histoires un peu étranges. 

Voici un exemple pour vous donner une idée de ce à quoi ça peut ressembler. Dans son livre « Une mémoire infaillible« 5,  Sébastien Martinez (ancien champion de France de mémoire) parle du code de l’immeuble d’un ami que l’on souhaiterait retenir : 

 Vous avez un mal fou à retenir 1075B, le code de l’immeuble d’un ami cher ? Imaginez Zidane (maillot numéro 10) grimper sur la tour Eiffel (Paris, 75) pour sauver un bébé.”

Ça peut sembler farfelu mais ça fonctionne vraiment et c’est le secret de ces champions. Vous pouvez appliquer cette méthode pour retenir toutes sortes d’informations. Si le sujet vous intéresse, vous trouverez quelques références en bas de page5-7😉

Apprendre à dessiner est justement un très bon moyen de cultiver ces 4 aptitudes et donc de mieux mémoriser. Qu’il s’agisse de faire du dessin de mémoire, du dessin d’imagination ou d’observation, il faudra visualiser précisément les choses, être attentif à la lumière et aux formes (utiliser ses sens), mettre en rapport différentes informations, … 

La mémoire repose également sur 4 facultés fondamentales : l’attention, les perceptions, l’imagination et l’observation6.  Ici aussi, le dessin est un excellent moyen de développer ces 4 compétences

  • les perceptions : dessiner demande de faire attention aux formes, proportions, ombres, perspectives, …
  • l’imagination : travaillée dans la composition et le dessin d’imagination
  • l’observation : obligatoire pour comprendre l’organisation de ce que l’on veut dessiner et pouvoir le faire correctement
  • l’attention  (rendez-vous à l’atout n°2)

1.3 Dessin et mémoire à long terme 

Le dessin permet aussi d’ancrer ses souvenirs dans notre mémoire à long terme. Pour se souvenir de quelque chose dans le temps, il est nécessaire de “réviser” régulièrement nos souvenirs, sinon ils s’effaceront car l’information sera jugée comme non importante par le cerveau (selon la courbe de l’oubli)8.

C’est le principe de différentes méthodes et applications d’apprentissage qui repose sur la répétition espacée de l’information à retenir (Anki ou Duolingo par exemple). Un dessin constitue justement un support visuel que l’on a tendance à regarder plusieurs fois, ce qui fait que l’on va retenir l’information contenu dans le dessin sur le long terme sans avoir l’impression de faire un effort. 

Courbe de l'oubli qui montre la quantité d'information d'un souvenir retenu en fonction du temps

« Courbe de l’oubli » : les révisions permettent de se souvenir d’une information sur le long terme. Elles peuvent par exemple avoir lieu au bout de : révision 1 : 10min – révision 2 : 1 jour – révision 3 : 7 jours – révision 4 : 1 mois9 (Wikimédia)

2. Le dessin, l’attention et le bonheur

Une chose plutôt surprenante sur le dessin : dessiner … rendrait heureux.
Bon, peut être que vous vous dîtes que j’y vais un peu fort ? Si on regarde du côté de l’attention, c’est pourtant bien le cas.

D’après les auteurs d’une étude menée en 201610, appuyée par le témoignage courant d’artistes11, dessiner peut permettre d’entrer dans un état d’attention soutenue, aussi appelé “flow12 ou “zone” par les athlètes. 

Cet état un peu particulier et assez fragile, que vous avez sans doute déjà rencontré, se produit quand on est pleinement absorbé par une tâche. Des personnes témoignent avoir l’impression de perdre la notion du temps ou de “ne faire qu’un avec ce qu’elles font” parfois. Cet état peut être rencontré lors d’une discussion passionnante, en jouant d’un instrument de musique, en cuisinant, en faisant du sport, … 

Des auteurs ont étudié ce phénomène et ont montré le lien étroit avec le bonheur (pour en savoir plus vous trouverez deux conférences TED passionnantes sur ce sujet ici13 et ici14). 

L’attention est également très liée à la mémoire15, ce qui pourrait encore mieux expliquer pourquoi le dessin – en permettant d’être pleinement attentif – est utile pour se souvenir de quelque chose. 

Voici un court extrait de “Dessiner grâce au cerveau droit11 dans lequel Betty Edwards cite le un artiste sur ce sujet : 

Un artiste témoigne « quand je travaille vraiment bien, je ressens quelque chose d’incomparable. Je ne fais qu’un avec mon travail : le peintre, la peinture, le modèle, tout cela ne fait qu’un. Je me sens excité mais calme – inspiré mais maître de moi. Ce n’est pas vraiment du bonheur mais une extase. Je pense que c’est ce qui me ramène continuellement à la peinture et au dessin.« 

Hiboux en vol vu de face en train de chasser

Ce hibou en chasse ne pense sûrement pas à sa liste de course, il est entièrement à ce qu’il fait (bonne définition du « flow ») (Pixabay : Alexas_Fotos) 

3. Dessiner pour créer

3.1 Inventions, objets, intérieurs, films …

Un dernier bénéfice pour la route, plus connus et qui s’applique dans de nombreux domaines dans la vie de tous les jours : le dessin permet d’imaginer et de créer des choses concrètes. Les inventions commencent très souvent par un petit croquis réalisé rapidement (phonographe d’Edison par exemple).

Que ce soit pour concevoir un jardin ou le réaménager, concevoir un intérieur, une voiture ou un autre objet, le dessin est essentiel pour donner une forme à son idée et pour la concrétiser.

Pour le cinéma, les “storyboard” indiquent, sous la forme de dessins, les détails techniques et artistiques utiles pour le tournage d’un film (cadrages, décors, personnages, ambiances, mouvements de caméra, etc). Parmi les storyboards célèbres qui ont fait parlé d’eux, on peut citer celui du film “Dune” de Jodorowsky, dont le prix s’est envolé aux enchères.

Dessin au crayon graphite d'un bâtiment et de sa terrasse

Le dessin est incontournable en architecture comme dans beaucoup de types de projets (Pixabay : parblusa)

3.2 Raconter une histoire et mettre en place des projets

Une application que je trouve très intéressante est son utilisation pour imaginer et proposer des solutions à des problèmes concrets :  le dessin permet de raconter une histoire, de faire appel aux émotions et de mettre en mouvement.

C’est le cas de cet artiste qui a utilisé des images pour montrer à quoi pourraient ressembler des parties de certaines villes sans aucune voiture. Ces images ont été générées par une intelligence artificielle mais auraient très bien pu être réalisées au crayon. Le résultat a enthousiasmé de nombreux élus et des projets pour rendre les villes plus vertes et plus agréables à vivre verront peut-être le jour.

L’artiste a indiqué dans une interview :
Visualiser les choses est le moyen le plus puissant d’effectuer un changement.” –  Zach Katz

Il a créé un site pour proposer de réaliser d’autres projets. 

Pour conclure

Dans cet article nous avons passé en revu rapidement quelques avantages du dessin qui ne demandent qu’à être explorés. Nous avons vu que dessiner permet entre autre de mieux mémoriser et donc d’apprendre, d’être plus attentif et de mieux percevoir son environnement, et d’être plus créatif et de mettre en place des projets. 

Les deux derniers points méritent un peu plus de détails :  
      • Attention et observation
        • Être plus attentif (à ce que l’on dessine et à son environnement en général)

      • Entrer dans le “flow” : un état où l’on est pleinement engagé dans une tâche, différents spécialistes ont montré le lien entre cet état et le sentiment d’être heureux. 
      • Apprendre à observer et comprendre le sujet de son dessin
      • Réapprendre à voir son environnement et permettre de s’émerveiller à nouveau (j’en parle un peu dans cet article)

    • Créativité, réalisation de projets
      • Être plus créatif et partager ses idées
      • Imaginer et réaliser des projets (dessiner et réorganiser son jardin, son intérieur, faire un storyboard de film, etc)
      • Mettre une image sur un projet que l’on a pour le rendre concret et embarquer des personnes avec soi (projet à impact social et / ou environnemental positif par exemple)

Est-ce qu’un de ces atouts vous a intéressé, intrigué ou étonné ? Est-ce que vous connaissez d’autres avantages dont je n’aurais pas parlé ? Ça m’intéresserait beaucoup d’avoir votre avis en commentaire ! 

Ressources :

(1) Wammes, J.; Meade, M.; Fernandes, M. The Drawing Effect: Evidence for Reliable and Robust Memory Benefits in Free Recall. Q. J. Exp. Psychol. 2006 2015, 69, 1–62. https://doi.org/10.1080/17470218.2015.1094494.

(2) Wammes, J. D.; Jonker, T. R.; Fernandes, M. A. Drawing Improves Memory: The Importance of Multimodal Encoding Context. Cognition 2019, 191, 103955. https://doi.org/10.1016/j.cognition.2019.04.024.

(3) The Surprisingly Powerful Influence of Drawing on Memory – Myra A. Fernandes, Jeffrey D. Wammes, Melissa E. Meade, 2018. https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0963721418755385 

(4) Meade, M. E.; Wammes, J. D.; Fernandes, M. A. Drawing as an Encoding Tool: Memorial Benefits in Younger and Older Adults. Exp. Aging Res. 2018, 44 (5), 369–396. https://doi.org/10.1080/0361073X.2018.1521432.

(5) Martinez, S. Une mémoire infaillible; Le Livre de Poche: Paris, 2018.

(6) Martinez, S.; Wenger, É.; Raut, J. La mémoire est un jeu, Illustrated édition.; Premier Parallèle: Paris, 2018.

(7) Ponce, J.-Y. Boostez votre mémoire: Mémorisez l’impossible en vous amusant; Potion de Vie, 2016.

(8) Murre, J. M. J.; Dros, J. Replication and Analysis of Ebbinghaus’ Forgetting Curve. PLOS ONE 2015, 10 (7), e0120644. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0120644.

(9) Courbe d’Ebbinghaus : Comment mieux mémoriser ce que l’on apprend ? https://everlaab.com/courbe-debbinghaus/

(10) Loudon, G. H.; Deininger, G. M. The Physiological Response to Drawing and Its Relation to Attention and Relaxation. J. Behav. Brain Sci. 2017, 07 (03), 111–124. https://doi.org/10.4236/jbbs.2017.73011.

(11) EDWARDS, B. Dessiner grâce au cerveau droit (4e édition): Une méthode imparable pour s’initier à la pratique du dessin, 4e édition.; Mardaga éditions: Wavre (Belgique), 2014.

(12) Csikszentmihalyi, M. Creativity: Flow and the Psychology of Discovery and Invention, Reprint edition.; Harper Perennial: New York, 2013.
https://digitalauthorshipuri.files.wordpress.com/2016/01/csikszentmihalyi-chapter-flow-and-creativity.pdf   

(13) Adam Grant: How to stop languishing and start finding flow | TED Talk. https://www.ted.com/talks/adam_grant_how_to_stop_languishing_and_start_finding_flow.

(14) Mihaly Csikszentmihalyi: Flow, the secret to happiness | TED Talk. https://www.ted.com/talks/mihaly_csikszentmihalyi_flow_the_secret_to_happiness?subtitle=fr

(15) “Being there” and remembering it: Presence improves memory encoding – ScienceDirect. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1053810016301131?dgcid=api_sd_search-api-endpoint

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