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Pourquoi la nature nous fait du bien et que peut nous apporter le Nature journaling ?

Le Nature journaling consiste à apprendre à observer la nature et prendre des notes sur ses observations à l’aide de dessins, de mots et de chiffres, dans un carnet dédié.

Cette activité permet d’apprendre à être plus attentif, plus curieux et permet de faire de nombreuses découvertes sur la nature qui nous entoure.

Bon, prendre des notes … ça peut paraître un peu « scolaire » et on peut facilement ne pas trop voir l’intérêt.

On peut aussi être intéressé soit par le dessin, et à ce moment là … on fait du dessin, soit par le côté nature, et à ce moment-là, on peut très bien aimer se promener, observer la nature, sans trop voir l’intérêt de prendre des notes.

Dans cet article, je vous propose de revenir sur un point en particulier de cette activité : en quoi elle permet d’apprendre à être attentif, pourquoi c’est précieux et en quoi c’est différent de ce que l’on fait au quotidien quand on écrit, réfléchit etc.

Si vous ne connaissez pas cette activité, vous pouvez la découvrir plus en détail dans cet article, dans lequel on voit aussi quelques-uns de ses avantages.

L’attention et la curiosité : deux compétences essentielles qui se travaillent

Oui oui, l’attention et la curiosité sont des compétences et comme toutes compétences, elles ne sont pas innées mais elles se développent avec la pratique.

Elles sont justement au centre de l’activité de Nature journaling qui est donc un excellent moyen de les développer (bien-sûr ce n’est pas le seul 🙂).

Si on prend la curiosité, on voit non seulement qu’elle permet de mieux apprendre et de mieux retenir1-4 mais elle est aussi utile dans la vie de tous les jours, d’autant d’un point de vue professionnel que personnel.

Côté professionnel, quelqu’un de curieux sera intéressé, apprendra plus vite, et pourra évoluer, qu’il travaille en entreprise ou à son compte.

Côté personnel, on a toujours plus tendance à nouer des liens avec des personnes qui s’intéressent, qui nous portent de l’attention et sont curieuses. On le sens bien, un ami qui ne s’intéresse absolument pas à soi et aux difficultés que l’on peut rencontrer ou qui ne nous écoute pas … ce serait un drôle d’ami.

De son côté, l’attention permet de percevoir le monde qui nous entoure.

Dans une discussion : ce que nous dit quelqu’un et ce qu’il dit sans l’exprimer, par l’intonation, les gestes, etc.
Côté nature, elle permet de percevoir le chant d’un oiseau en fond quand on se promène, le mouvement d’un mammifère qui s’en va ou qui est à quelque mètres et qu’on a failli ne pas remarquer, …

Être attentif, c’est sortir un peu de ses ruminations, de sa tête, de ses idées reçues et préconception pour aller voir ce qu’il se passe réellement dans le monde autour de soi, au-delà des étiquettes que l’on colle un peu trop vite parfois.

Une attention précieuse, convoitée et menacée

Au quotidien, les choses se battent pour attirer notre attention : elles clignotent, font du bruit. Les réseaux sociaux pensés pour capter et retenir notre attention bien-sûr, mais aussi les montages vidéos avec des plans dynamiques qui changent sans arrêt, des variations de volumes, etc.

Vous pouvez faire l’expérience : la prochaine fois que vous regarderez une émission de télé, comptez le nombre de secondes que dure un plan.
En général ça ne dépasse pas 5 secondes pour garder l’attention en éveil
. La même chose à été remarqué au cinéma avec des plans qui durent en moyenne 2,5 secondes dans les films modernes contre 12 secondes en moyenne dans les années 19305.

Notre capacité à être attentif se réduit, comme on peut le voir de plus en plus6.

Mais alors, qu’est ce qu’il se passe quand on se retrouve dans la nature, où les choses sont plus lentes, plus silencieuses et que ça ne clignote pas dans tous les sens ?

Et bien, on ne voit rien.
Tout peut sembler calme et sans grand intérêt.

Pourquoi alors s’intéresser à la nature, et pourquoi s’embêter à prendre des notes, s’il n’y a pas grand chose à voir ?

Il n’y a pas longtemps, après avoir passé une journée à m’activer, à sauter d’une activité à l’autre, en étant concentré (et parfois dispersé), je suis sorti en forêt pour dessiner.

Et bien, je n’ai rien vu. La transition entre la journée, où tout va vite, et le rythme lent et discret de la forêt a été plutôt compliquée.

Je pense que l’on peut facilement tomber dans ce piège.
Par manque d’attention, parce que la nature est discrète, demande à ralentir et être attentif pour se montrer, on peut ne rien voir et se dire qu’ il n’y a pas beaucoup d’intérêt à aller en forêt par exemple.

Et justement, ralentir, être plus attentif, c’est exactement ce que permet le Nature journaling.

J’aime bien maintenant, prendre le temps de me poser quelques minutes, avant de sortir pour faire une sortie dans la nature.

Ça permet de faire une transition et de changer de mode, entre le mode rapide, concentré, et parfois dispersé, du quotidien, et un mode plus lent, plus attentif, que demande la nature.

Concrètement, il s’agit juste de s’asseoir, se poser vraiment quelques instants, être attentifs aux sons qu’il y a autour, en essayant de ne pas les nommer, puis aux sensations corporelles, puis à sa respiration. Ça permet de sortir un peu de sa tête, pour être attentif à ce qui se passe autour de soi dans l’instant.
Ça permet ensuite, quand on est dans la nature, d’être plus attentif, de profiter et de voir plus de choses.

Un des grands malentendus qui peuvent faire qu’on ne voit pas bien l’intérêt de prendre des notes et de faire du Nature journaling, est de mélanger attention et concentration.

Faire du Nature journaling est bien différent de ce que l’on fait au quotidien quand on est concentré sur une tâche pour résoudre un problème (écrire un rapport, faire un Powerpoint, etc).
Là où ce mode quotidien peut nous épuiser à force, le
Nature journaling peut au contraire recharger nos batteries.

C’est ce que je vous propose de voir dans la prochaine partie.

Suricate attentifs qui observent

Attentif comme un Suricate (Wolfgang Weiser, Pixabay)

La nature, un problème de mot ?

Le mot « nature » peut aussi poser problème 7.

Ce mot regroupe tout ce qui n’est pas humain ou lié à l’homme. Il sous-entend une opposition entre nature et culture.

Baptiste Morizot, dans Manières d’être vivant7 en parle en disant que l’on a mis d’un côté une espèce, l’être humain et de l’autre, toutes les autres (entre 8 et 20 millions quand même8) regroupées sous le mot de « nature ».

En plus d’être une invention assez culturelle (certains peuples, plus proche de la nature, n’ont pas de mots pour la désigner puisqu’ils ne font pas la distinction entre ce qui vient de l’homme et le reste), ce mot simplifie et réduit la diversité et la complexité du vivant à quelque chose d’un peu flou.

Ce mot cache des millions d’espèces, et autant de manières de vivre, d’histoires, de stratégies de survie, d’interactions, de coopérations, …

Le risque est de réduire ces millions de vivants à quelque chose de plus simple, la nature, et de seulement la voir comme un décor dans lequel il est sympa de se balader et qui nous fait du bien.
Elle est aussi malheureusement trop souvent vu comme quelque chose d’accessoire et à notre disposition, que l’on peut remodeler et détruire quand elle nous gène trop par rapport à d’autres intérêts (économiques par exemple).

Baptiste Morizot propose le terme de « vivant » à la place de celui de « nature« , ce qui reflète un peu mieux la réalité je trouve 🙂.

Attention vs concentration : pourquoi la nature et le Nature journaling nous font du bien

Différence entre attention et concentration

Si vous pensiez que l’attention et la concentration sont 2 mots qui désignent la même chose, accrochez-vous, ça n’a rien à voir 🙂.

Avant toute chose, les 2 sont très utiles, l’idée n’est pas de les opposer et de dire que l’un est mieux que l’autre.

Au quotidien, c’est surtout la concentration que l’on mobilise. Elle est volontaire, dirigée dans une direction et permet tout un tas de choses : lire un livre, écrire un rapport, faire un diaporama, remplir un tableau excel, etc.

Elle demande un effort et ne peut pas être maintenue indéfiniment puisqu’elle fini pas nous fatiguer9.

L’attention est plus ouverte, elle n’est pas focalisée sur un point précis. Quand on est attentif, on est attentif à tout ce qui peut se produire sur le moment, sans faire d’effort volontaire orienté dans une direction.

Ce qui nous épuise surtout au quotidien, c’est plus le fait à la fois de maintenir une concentration très longtemps, et surtout de sauter d’une tâche à l’autre, en étant interrompu10.

Ça entraine du stress, demande beaucoup d’effort pour reprendre la tâche interrompue, empêche d’avancer efficacement, ce qui entraîne des retards en rapprochant les échéances, et de nouveau du stress …

Champignons et mousse sur une branche

Le vivant, à la rescousse de notre attention (Andreas, Pixabay)

L’attention recharge nos batteries

Une des explications de pourquoi la nature nous fait du bien, est qu’elle recharge nos capacités à être attentif.

Elle comporte de nombreux sujets intéressants, qui ne demandent pas d’effort de concentration11.  

Elle stimule l’attention via les sons, les sensations, les odeurs, etc, et nous fait sortir un peu de notre tête et des soucis qu’on essaye de résoudre par la réflexion à longueur de journée12.

Le Nature journaling permet exactement ça : c’est un outil qui facilite le fait d’être attentif : aux sons (chants des oiseaux par exemple), aux formes, couleurs, espèces rencontrées, sensations, …

Alors que l’on pourrait penser que cela demande un effort, qui devrait logiquement nous fatiguer, c’est tout l’inverse.

Même s’il s’agit de prendre des notes, de faire des croquis et dessins, c’est bien différent de ce que l’on fait au quotidien.

Je me souviens avoir fait une sortie de Nature journaling après une journée à réfléchir, à sauter d’une tâche à une autre, en étant parfois un peu trop dispersé.

J’ai passé 30 minutes à une heure devant une fleur sauvage, à observer et prendre en note les formes, couleurs, organisation, essayer de comprendre et représenter à l’aide de mots et de dessins ce que je voyais.

Alors que j’étais fatigué en commençant cette activité, l’attention et la curiosité que ça m’a demandé m’avait complètement rechargé. J’étais bien, plein d’énergie.

Ça peut paraître étonnant et contre-intuitif, mais pourtant, c’est vraiment ce qu’il se passe.

En fait, c’est bien plus le manque d’attention, de présence13 et la dispersion qui nous fatiguent et nous épuisent.

Conclusion

Ce malentendu, qui peut cacher en quoi consiste le Nature journaling, méritait bien un article à lui seul 🙂.

Alors que ça peut sembler une activité qui demande un effort, qui est un peu scolaire, qui se rapproche de ce qu’on fait déjà à longueur de journée, j’espère vous avoir montré que ça n’a rien à voir.

On ne cherche pas à faire de l’art, quelque chose de beau.

Par cette activité, on cherche seulement à être un peu plus attentif, curieux, faire des découvertes sur le monde vivant qui nous entoure.

Les mots, les dessins et les chiffres, sont utilisés dans ce but : observer de manière attentive ce qu’il se passe et essayer de le comprendre.

Pour en savoir plus sur cette activité et sur comment démarrer, vous pouvez faire un tour sur cet article.

Vous pouvez aussi retrouver un guide gratuit un peu plus détaillé juste en dessous 😉.

Si vous avez des questions ou partages, rendez-vous dans l’espace commentaire juste en dessous, j’y répondrai avec plaisir ! 🙂

Bonnes observations nature et à très vite !

Ressources

(1) Curiosité, apprentissage et numérique, ce que dit la recherche. Réseau Canopé 

(2) Galli, G.; Sirota, M.; Gruber, M. J.; Ivanof, B. E.; Ganesh, J.; Materassi, M.; Thorpe, A.; Loaiza, V.; Cappelletti, M.; Craik, F. I. M. Learning Facts during Aging: The Benefits of Curiosity. Exp. Aging Res. 2018, 44 (4), 311–328. 

(3) Yuhas, D. Curiosity Prepares the Brain for Better Learning. Scientific American. 

(4) Gruber, M. J.; Ranganath, C. How Curiosity Enhances Hippocampus-Dependent Memory: The Prediction, Appraisal, Curiosity, and Exploration (PACE) Framework. Trends Cogn. Sci. 2019, 23 (12), 1014–1025. 

(5) PARANOïAQUE, N. C. D. M. Les évolutions du cinéma au révélateur des datas. Spotern.

(6) McSpadden, K. You Now Have a Shorter Attention Span Than a Goldfish. TIME. 

(7) Morizot, B.; Damasio, A.; Powers, R.; Chauvin, S. Manières d’être vivant: Enquêtes sur la vie à travers nous; Babel: Arles, 2022.

(8) Combien y a-t-il d’espèces sur Terre ? Muséum national d’Histoire naturelle.

(9) Une pause de 5 minutes permet d’améliorer l’attention et la concentration. Fondation pour la Recherche sur le Cerveau.

(10) Bastow, M. What Notifications Are Doing To Our Brains – Jennifer Oaten. Santa Maria College. 

(11) McDonnell, A. S.; Strayer, D. L. Immersion in Nature Enhances Neural Indices of Executive Attention. Sci. Rep. 2024, 14 (1), 1845.

(12)  Gn, B.; Jp, H.; Ks, H.; Gc, D.; Jj, G. Nature Experience Reduces Rumination and Subgenual Prefrontal Cortex Activation. Proc. Natl. Acad. Sci. U. S. A. 2015, 112 (28). 

(13) Pourquoi souffrons-nous ? Dialogue inversé avec Laurence Devillairs, Fabrice Midal, YouTube

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