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 « On protège ce que l’on aime, et on aime ce que l’on connaît  » – Jacques Cousteau

Comment protéger la nature efficacement ?

Et si c’était avant tout une histoire de lien au vivant, de connaissance par l’expérience et par l’approche sensible ?

Dans cet article, un peu plus personnel que d’habitude, on va parler de pourquoi je pense que la pratique du Nature journaling  (ou « carnet nature ») est si importante de nos jours et pourquoi elle a pris une place centrale dans ma vie.

On verra ce qu’est le Nature journaling exactement, ce que m’a apporté cette activité et ce qu’elle pourrait aussi vous apporter.

Enfin, je vous proposerai quelques ressources pour aller plus loin sur ce sujet 🙂.

Si vous aimez la nature, que vous ne savez pas ce qu’est le Nature journaling ou en avez une idée vague, et que savoir comment cette activité pourrait vraiment tout changer pour la protection de la nature vous intéresse, la suite devrait vous parler 😉.

Bonne découverte !

Ma motivation à protéger le vivant

Aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours aimé être dehors, au contact du vivant.

Les balades en forêts, les vacances à la montagne et le cadre dans lequel j’ai grandi n’y sont sans doute pas pour rien 🙂.

J’adorais prendre en photo les fleurs (ça ne bouge pas trop) et les petites bêtes qui se posaient dessus.

C’est assez naturellement que j’ai voulu plus tard faire quelque chose pour protéger ce monde vivant …

Direction donc des études de biologie et d’écologie.

Après avoir passé quelques années dans ce domaine, même si ce que j’ai pu faire n’était pas inutile, les choses ne se sont globalement pas vraiment arrangées pour la nature …

La nature, le vivant, sont parfois des préoccupations importantes, mais pas suffisamment importantes ou pas suffisamment répandues collectivement pour faire vraiment bouger les choses.

Comment ça se fait ?

D’un autre côté, j’ai pu le voir, il arrive que certaines personnes connaissent parfois très bien la nature et ne la respectent pas plus pour autant.

C’est une connaissance intellectuelle, mais sans aucune sensibilité, sans aucun lien personnel.

Et c’est justement le point central. Celui qui explique, je pense, le fait que globalement les choses bougent très peu et ne s’arrangent pas pour la nature.

À côté de ça, on a le Nature journaling, qui met au centre l’observation, la curiosité, l’attention, et l’apprentissage direct au contact de la nature.

Il permet de retisser des liens, d’aimer la nature, ce qui est essentiel pour avoir envie de la protéger (comme nous disait Cousteau).

Mais alors, qu’est ce que c’est que ce fameux « Nature journaling » ? Je vous propose de voir ça tout de suite dans la prochaine partie 🙂.

Chemin nature en forêt

Envie d’une petite balade en forêt ? (Pixabay)

Le Nature journaling (ou carnet nature) : une approche pour mieux observer la nature

Il s’agit simplement d’observer le vivant, et de noter ses observations à l’aide de croquis, de mots et de chiffres dans un carnet dédié.

Faire cette démarche sur une feuille ou dans un carnet permet de mieux observer (grâce au dessin notamment), de mieux réfléchir, de faire de nombreuses découvertes, et de s’en souvenir.

À la clef on apprend à être plus attentif au monde vivant qui nous entoure et plus curieux.

Chaque balade devient une opportunité de faire de nouvelles découvertes et de s’émerveiller toujours un peu plus de la beauté, de la complexité et de la diversité du vivant.

On se concentre sur l’observation et la découverte. Le dessin est utilisé uniquement comme un outil pour mieux voir et pour noter ce que l’on voit.

Il n’y a vraiment pas besoin d’avoir de compétences particulières en dessin.

L’observation, la curiosité, l’approche sensible sont au cœur de cette activité.

On peut noter ce que l’on voit, mais aussi ce que l’on perçoit par nos autres sens : les couleurs, les textures, les sons, les odeurs, les ressentis, … dans une forme très libre.

Cette activité regroupe tout ce que je cherchais et ça a été un vrai déclic : une approche plus sensible pour apprendre à mieux connaître la nature, recréer du lien, s’émerveiller.

Parce que peut-être que la crise de la biodiversité est avant tout une crise de la sensibilité1.

Page d’un carnet nature nature journaling fleurs

Petite page pour étudier la floraison d’un « bouton d’or »

Pourquoi le carnet nature répond à la “crise de la sensibilité”

« Nous ne protégeons pas ce que nous ne connaissons pas, ne comprenons pas et avec quoi nous ne sommes pas en connexion.» – John Muir Laws

Baptiste Morizot parle de « crise de la sensibilité » pour parler de la crise du vivant actuelle1.

De nombreuses études se sont penchées sur ce problème de déconnexion vis à vis du vivant. Est-ce qu’il est réel ou est-ce que c’est une impression ? D’où vient-il ? Quelles sont ses conséquences ?2, 4, 5.

Ne faisons pas durer le suspens plus longtemps : cette déconnexion (on parle «d’extinction de l’expérience de nature ») existe bien est s’explique par différentes choses.

Parmi ces explications on retrouve par exemple : un rythme de vie rapide, de plus en plus urbain et de plus en plus connecté, de moins en moins de nature observée au quotidien et une méconnaissance du vivant de plus en plus grande2, 4, 5.

On parle aussi « d’amnésie environnementale»2 pour expliquer pourquoi la disparition du vivant ne nous fait pas réagir plus que ça parfois.

L’idée est que notre point de référence par rapport à l’état du vivant (l’abondance d’oiseaux et d’insectes par exemple) est celui dans lequel nous avons grandi.

De moins en moins de personnes se souviennent des vols impressionnants d’oiseaux, des prairies remplies de papillons, des pare-brises qu’il faut sans arrêt nettoyer parce qu’ils sont remplis d’insectes (on parle même «d’effet pare-brise» pour désigner ce phénomène d’insectes moins nombreux sur les pare-brises)3, …

Qu’il y ait peu d’oiseaux ou d’insectes est devenu normal pour de plus en plus de personnes (surtout les plus jeunes) puisqu’elles n’ont connu que ça.

À côté, d’autres études 4 se sont penchées sur ce qui nous fait passer à l’action en adoptant des comportements en faveur de l’environnement par exemple.

Résultat ?
C’est quand il y a un lien émotionnel, presque physique, quand quelque chose nous « 
prend aux tripes », que l’on passe à l’action pour défendre ce qui est menacé. La compréhension intellectuelle seule ne suffit pas.

Dans le domaine de l’environnement, les chercheurs ont montré que ce qui a le plus d’impact et fait le plus adopter des comportement pro-environnement est le contact direct avec la nature, l’attention, la curiosité et la méditation de « mindfulness », bien plus que l’éducation à l’environnement dans une salle de classe, sans contact avec la nature4.

C’est exactement ce que permet le nature journaling : une expérience directement au contact de la nature, qui met au centre l’attention à ce qui se passe dans l’instant, la curiosité (comme la méditation) et l’approche sensible.

On apprend à connaître la nature directement par sa propre expérience, et non par une connaissance lu dans un livre et donnée par un expert que l’on doit croire sur parole.

On comprend les modes de vie des espèces, les liens qu’elles entretiennent entre elles et avec leur milieu de vie, leurs besoins.

Grâce à ça, on comprend ce qui a un impact, positif ou négatif sur elles. On comprend la complexité, la résilience et la fragilité de ce vivant.

Prise de notes nature avec un carnet et une loupe

Un carnet est une porte vers de nombreuses découvertes ! (Cottonbro Studio, Pexels)

Une voie d’apprentissage sans fin

Quand on découvre un nouveau domaine, en général, on est curieux, intéressé et vite passionné par ce tout nouveau domaine qui se présente.

Et puis on finit par avoir l’impression de tourner en rond, on oublie ce qu’on avait appris au début, on s’ennuie, et on passe à autre chose …

En tout cas, ça se passe à peu près toujours comme ça pour moi.

Pensez à une nouvelle activité que vous avez commencée et que vous n’avez pas tenue une année entière.

Et c’est tout à fait normal, c’est très compliqué de rester intéressé et de continuer à un certain moment, quand on a acquis les bases et que l’on atteint un plateau de progression.

Pour la nature, c’est un peu ce qui à fini par se passer pour moi : l’impression de tourner en rond, du en partie au manque d’outils pour apprendre, et finalement une perte de curiosité et d’intérêt qui a pointé son nez petit à petit.

Le Nature journaling / journal nature, c’est aussi ça : un outil pour apprendre en continu.

Parce que s’il y a bien un sujet où on peut occuper plusieurs vies à s’y intéresser sans jamais tourner en rond, c’est bien la nature !

Un journal nature permet de s’intéresser aux oiseaux, aux insectes, aux plantes, mais aussi à la géologie, à la météo, à l’astronomie …

Ici, on cherche à dessiner pour apprendre plus qu’à apprendre à dessiner.

Les notes et croquis construisent peu à peu une mémoire personnelle de la nature.

Carnet nature en pratique : ce que le nature journaling peut vous apporter

Un outil pour apprendre différemment

« Apprendre à dessiner, consiste en réalité à apprendre à voir. » – Kimon Nicolaides, The Natural way to draw, 1941

Quand je me suis mis à dessiner, c’est vraiment là que je me suis rendu compte qu’il y avait énormément de choses que je n’avais jamais vraiment regardées.

En fait je les avais vu, mais sans y être vraiment attentif.

C’est ce manque d’observation qui explique que l’on peut être bien embêté à dessiner quelque chose de simple si on ne l’a jamais fait : on a aucune idée d’à quoi ça ressemble.

On en fait une représentation simplifiée, comme quand on était enfant 6.

Dessiner quelque chose oblige à l’observer vraiment, à être attentif aux formes, proportions, contours, détails …

Les mots et les chiffres sont associés aux croquis pour les compléter et enrichir facilement les observations que l’on peut noter. On peut noter des couleurs, textures, sons (à l’aide de mots ou de petits diagrammes), odeurs, ressentis, questions que l’on se pose, …

Les chiffres permettent de noter un nombre d’individus (d’oiseaux par exemple), la taille d’une plante, d’une feuille, la dimension d’un tronc, …

On peut aussi décrire son ressenti, factuellement ou avec une approche sensible comme la poésie ou les haïkus.

Pensez aussi à noter la date, le lieu, et éventuellement la météo et l’heure, reliées à des observations, ce sont des informations précieuses pour mieux connaître la nature 😉.

La connaissance n’est plus quelque chose de théorique lue dans un livre mais est reliée à un souvenir, à une expérience vécue dans la nature.

Le journal devient un témoin de ces souvenirs et expériences, que l’on peut revivre en parcourant ses pages, à n’importe quel moment.

Fleur observée à la loupe

Avec un peu d’attention et de curiosité, la nature devient passionnante ! (Jade87, Pixabay)

À quelle régularité pratiquer cette activité ?

Comme toute activité, la progression vient de la régularité. En théorie, je vous dirais donc qu’idéalement, il vaut mieux pratiquer un peu tous les jours, même seulement 5 minutes, pour faire un petit croquis et mettre une annotation …

Mais moi-même je ne suis pas ce conseil donc pas de pression 😉. L’important est de se faire plaisir. Si vous êtes dans une période où vous sortez moins souvent votre journal mais qu’à côté de ça vous voyez ce que vous apporte cette activité, vous y reviendrez naturellement au moment où vous aurez un peu plus de temps.

Des fois on a pas le temps, des fois on à moins envie, et c’est tout à fait normal, pas de pression là-dessus. L’important, si cette activité vous parle et vous plaît, est de ne pas totalement perdre le lien avec elle. Un groupe d’amis avec qui faire des sorties nature journaling, une communauté en ligne (ou ce blog et sa super newsletter 😉) sont des exemples de choses qui peuvent vous permettre de continuer plus facilement. Le plus important est de vous faire plaisir et de ne pas trop vous prendre la tête.

Une pratique qui transforme le regard

Se reconnecter au vivant, aux petites choses discrètes, plus silencieuses, plus vulnérables et fragiles parfois, est aussi vraiment précieux je pense.

Apprendre à connaître les petites bêtes par exemple, leur importance, leur beauté et fragilité par l’observation directe par exemple, est une invitation à développer de l’attention, de l’intérêt, et du respect pour ce qui est différent, que l’on ne comprend pas toujours, et qui est vulnérable.

C’est un apprentissage à cohabiter ensembles avec ce vivant, à le prendre en compte.

C’est un apprentissage précieux parce qu’apprendre à le faire avec ces autres vivants, c’est apprendre à le faire avec les autres humains aussi.

On ne les comprend pas toujours, on les voit comme différents parfois, certains sont plus vulnérables, mais on peut apprendre à y être plus attentif, à les prendre en compte, et à vivre ensembles, avec de la solidarité.

Pour toutes ces raisons, cette pratique est devenue essentielle pour moi.

Ce blog, la newsletter envoyé régulièrement, a pour but de faire découvrir cette pratique, la rendre accessible et rendre l’utilisation du dessin accessible.

Dans la dernière partie je vous propose de nous projeter un peu : que se passerait-il, si dès le plus jeune âge, on apprenait tous à observer, avec curiosité et attention, le vivant qui nous entoure ?

Et si on apprenait tous à observer le vivant ?

Si chaque enfant apprenait cette pratique ?

Si chaque enfant apprenait à observer le vivant, avec attention et curiosité ?

S’ils apprenaient à développer en même temps leur esprit critique, leur créativité, leur expression, intellectuelle et sensible à la fois ?

À manier les mots, les chiffres, les dessins, pour mieux connaître le vivant, et créer des souvenirs et des liens impérissables avec lui ?

Peut-être que collectivement, cela créerait une société plus attentive aux autres, humains et non humains, plus solidaire, plus engagée.

Ces mots que l’on entend un peu à toutes les sauces mais avec lesquelles on ne sait pas trop quoi faire concrètement … Ou qui sont vidés de leur sens à force d’être prononcés, parfois par des personnes qui incarnent tout le contraire.

Motivé par cette idée ? Vous trouverez quelques ressources en dessous de la conclusion pour aller plus loin 🙂.

Conclusion

Protéger la nature collectivement, retrouver des prairies pleines de vie, est possible, la nature est extrêmement résiliente7.

Tout ce qu’il manque, c’est un passage à l’action individuel et collectif.

On protège ce que l’on aime et on aime ce que l’on connaît : ce dont on a besoin est de recréer du lien avec le vivant, réapprendre à l’observer, à le connaître, avec un peu d’attention et de curiosité.

C’est ce que permet le Nature journaling : observer le vivant et noter ses observations et découvertes à l’aide de mots, de dessins et de chiffres, dans un carnet dédié.

Cette pratique a naturellement pris une place importante dans ma vie et c’est aussi l’objet de ce blog : transmettre des astuces pour dessiner la nature plus facilement et pouvoir utiliser le dessin comme un moyen de mieux observer et découvrir le vivant qui nous entoure.

Et si vous essayez vous aussi ? Prenez un carnet, et observez une feuille, un oiseau, une pierre, … et laissez la curiosité vous guider.

Si vous voulez en savoir plus sur cette pratique et trouver plus de conseils pour bien démarrer, vous pouvez faire un tour sur cet article et télécharger le guide gratuit juste en dessous 😉.

Belles observations nature et belles découvertes !

À très vite ! 

Ressources

(1) Baptiste Morizot, Manières d’être vivant: Enquête sur la vie à travers nous, Ed. Babel, 2022

(2) Kahn, P.H. 2002. Children’s affiliations with nature: structure, development, and the problem of environmental generational amnesia. In P. H. Kahn & S. R. Kellert (Eds.), Children and nature: psychological, sociocultural, and evolutionary investigations, pp. 93–116. MIT Press.

(3) Effet pare-brise, Wikipédia : présentation de cet effet et citation de 2 études sur le sujet.

(4) Renforcer le sentiment d’appartenance à la nature, une stratégie gagnant-gagnant pour l’humain et la nature,CNRS Écologie, & Environnement, 2021 (références de l’étude : Barragan-Jason, G., de Mazancourt, C., Parmesan, C., Singer, M., & Loreau, M. (2021). Human-nature connectedness as a pathway to sustainability: a global meta-analysisConservation Letters. DOI : 10.1111/conl.12852

(5) Sur l’amnésie environnementale et l’extinction de l’expérience de nature :

(6) Betty Edwards, Dessiner grâce au cerveau droit: Une méthode imparable pour s’initier à la pratique du dessin, 2014

(7) Enric Sala, Sylvaine Giakoumi, No-take marine reserves are the most effective protected areas in the ocean, ICES Journal of Marine Science, Volume 75, Issue 3, May-June 2018, Pages 1166–1168, https://doi.org/10.1093/icesjms/fsx059 

Livres de référence sur le sujet du Nature journaling

– Clare Walker Leslie, Journal du naturaliste: Observer et dessiner la nature, Ed. Hachette Pratique, 2024

– John Muir Laws, The Laws Guide to Nature Drawing and Journaling, Ed. Heyday Books, 2016

– John Muir Laws, How to Teach Nature Journaling: Curiosity, Wonder, Attention, Ed. Heyday Books, 2020 (mis à disposition gratuitement par l’auteur sur son site ici)

 

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